Manteyer : une épopée incroyable !

Une valse à 4 temps

Laissez nous vous conter l'épopée de Manteyer !

Nous l'avons organisée en 4 temps.

Etes vous prêt(e) à rentrer dans la danse ?

 

Ceuse, vue plongeante depuis le Nord

Avant notre ère ...

Commençons par un peu de géologie ! 
Le massif de Ceuse s'individualise en bordure ouest du bassin du gapençais grâce à la couronne calcaire formée par les falaises  (relief nommé synclinal perché), dont le point culminant est à 2016m. La pointe de la Petite Céüse (1681m) lui fait face au sud. Les deux sommets sont séparés par le Col des Guérins (1312m). Sur le plan géologique, le site s'inscrit dans une série de roches sédimentaires d'âge secondaire(ou Mesozoïque, soit de -252 à -66 Millions d'années, l'époque des dinosaures !) associant des terrains calcaires et marno calcaires du Néocomien (ou Crétacé inférieur, autour de -130 Millions d'années) , qui occupent l'essentiel du cœur du synclinal de la montagne de Ceüse, avec des calcaires massifs plus durs du Tithonique (-150 Ma) , lesquels constituent le plateau et les crêtes sommitales de Ceüse et de la Petite Ceüse, ainsi que les spectaculaires falaises verticales de ceinture. Sur les versants du pourtour du site apparaissent des calcaires marneux du Malm (ou Jurassique supérieur, -160 Ma) . Ceux-ci sont en grande partie recouverts d'éboulis récents, stabilisés ou encore actifs …

 

Le glacier de la Durance et le marais de Manteyer

Le glacier de la Durance et le marais de Manteyer

La glaciation de Würm est le nom donné à la dernière période glaciaire du Pléistocène dans les Alpes. Elle s'étend de 115 000 à 11 700 ans avant le présent . 
À cette époque, les températures annuelles moyennes dans les Alpes étaient plus basses de 10 à 12 °C qu'actuellement.
Le glacier de la Durance acquiert une étendue considérable et descend jusqu'à Sisteron.
Les vestiges des glaciers wurmiens sont nombreux et très identifiables : verrous (dont celui de Sisteron), stries, lacs, moraines sont observables dans notre région.
Au niveau de Manteyer, les dépôts morainiques du glacier de la Durance sont localement recouverts d'alluvions torrentielles récentes ce qui montre que  le cône de déjection du torrent de Rif la Ville a barré la vallée et permis la formation de cette plaine marécageuse que l'on appelle le "Marais de Manteyer" . 
Avec près de 50 ha de roselières et de prairies humides, le site constitue l'un des ensembles palustres les plus vastes des Hautes-Alpes. Son bassin versant s'étend sur environ 600 ha, et il est irrigué par plusieurs ruisseaux permanents ou temporaires alimentant le Nacier dont les eaux s'écoulent ensuite vers le Petit Buëch.
La situation géographique (proximité de l'axe de migration de la vallée de la Durance et du Col Bayard, dernière grande zone humide de ce type avant les hauts massifs alpins) explique la richesse ornithologique du site. Plusieurs espèces vivent ici en limite d'altitude, tandis que de nombreuses espèces migratrices fréquentent les lieux pour se nourrir ou se reposer lors des périodes pré- et post-nuptiales.
Ainsi, 168 espèces d'oiseaux ont  été observées sur ce secteur, dont 119 utilisent le site en période de reproduction, soit pour nicher (80 espèces), soit pour s'alimenter uniquement (39 espèces). Le site est classé en zone Natura 2000

 

Hannibal traversant les Alpes

Les Gaulois à Manteyer

De l'empire romain au Moyen Age

Nous ne nous risquerons pas sur ce site à trancher sur l'itinéraire pris par le chef de guerre Hannibal avec son armée pour traverser les Alpes à la fin de l'année 218 avant J.-C. et défier les les Romains dans la plaine du Pô. Les historiens ont envisagé plusieurs routes possibles et les reconstitutions réalisées à ce jour sont davantage des exploits médiatiques que des arguments en faveur d'une voie.
Nous ne saurons donc pas si les éléphants d'Hannibal ont bu un jour lointain de l'eau coulant de Rif la Ville , ni quand les tribus de Voconces qui occupaient notre territoire ont su qu'Hannibal Barca avait perdu la guerre lors de la bataille de Zama en 202 av J.C.

 

Les voies romaines

Par contre une chose est établie à cette période là : Une voie romaine passait dans notre vallée qui permettait d'aller de Vapincum (Gap) en direction de Valence par le col de Cabre, en passant par Davianum (Veynes) . Il est probable que le nom « Domaine de Quinte » de la famille Ricard à La Roche des Arnauds soit une réminiscence de cette voie en désignant l'endroit situé à cinq lieues de Vapincum (une lieue romanisée mesurant environ 2222 mètres) …
Toujours est-il que la cohabitation entre les Voconces et les Romains étaient ponctuée de chauds et de froids où des rivalités d'influence s'exercent entre les chefs lieux de Lucus Augusti (Luc en Diois), Vasio Vocontiorum (Vaison La Romaine) et Mons Seleucus (La Batie Montsaléon).

 

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C'est à proximité de cette dernière cité que s'est tenue en 353 la bataille entre l'armée romaine dirigée par l'empereur Constance II et l'usurpateur Magnence. La défaite de Magnence va pousser celui-ci au suicide ; Mais les troupes victorieuses sont exsangues et vont avoir beaucoup de mal par la suite à défendre le territoire conquis dans les Alpes contre les invasions des Alamans.
Et ce n'est qu'au VIIIème siècle que les Francs réussirent sous le règne de Pépin Le Bref à repousser les envahisseurs germains et à anéantir l'Alémanie … Pépin le Bref meurt en 768 et laisse le royaume à Charles (le futur Charlemagne).

 

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Pour revenir au village, nous ne savons pas beaucoup de choses sur la vie des habitants si ce n'est que les demeures des villageois se répartissent dans plusieurs hameaux disséminés sur les flancs de la montagne : le Calendri, la Brunette, le Serre, la Ferraye, Méane, la Motte, le Moulin, les Procureurs, Pierre Prophète, les Gallices et bien sûr autour du château planté sur les contreforts de Ceuse au-dessus du Calendri ;
D'abord forteresse en bois entourée d'une palissade, ce château est ensuite construit en dur à partir de 1178 sous la forme de donjons et fortifications.
Devant l'ancien château féodal, se réunissait régulièrement la communauté de Manteyer sur le lieu-dit « Champ La Vieira ».

 

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L'histoire de Saint Roch

Roch est originaire de Montpellier, né vers 1350, fils de Jehan, commerçant drapier. A la mort de ses  parents et à l'âge de 17 ans environ, il décide de vendre tous ses biens et de secourir les pauvres. Il veut soigner les malades au cours de ses pèlerinages. A cette époque, de nombreuses épidémies sévissent dans le Sud-Est de la France et en Italie.
Au cours d'un voyage à Rome, il se rend auprès du Pape qui tente de rétablir le siège pontifical dans cette ville.Il arrive en 1367 dans la ville de Acquapendente (Italie), soigne les malades dans cet hôpital en leur faisant le signe de la croix sur le front pour les réconforter.
Il séjourne plusieurs années en Italie et se trouve à Plaisance vers 1370, atteint à son tour par la peste. Il s'isole dans la forêt de Sermato, se réfugie dans une cabane. Chaque jour, un petit chien (roquet) vient lui apporter un pain pour sa nourriture. Intrigué par ce manège, le propriétaire du chien nommé Gothard suit son animal et découvre Saint Roch très affaibli. Touché de compassion, il lui porte secours. Roch recouvra la santé, reprit sa route mais fut arrêté et emprisonné; il mourut le 16 août 1379 à Voghera.
A Manteyer, la tradition veut que, revenant de Rome, il se soit arrêté sur son chemin au quartier des Iscles, au bord du torrent du moulin, pour se reposer.Les habitants firent construire en ce lieu une chapelle en son honneur.
 

En ce début de XVème siècle comme chaque année, l'érosion est à l'œuvre sur le massif de Ceüse et oblige les villageois à fuir cette zone d'éboulement et à reconstruire dans la vallée … C'est donc un gigantesque chantier qui s'ouvre en 1424 avec le début de la construction du nouveau château … Aussi peut-on dire que les Manteyards ont activement participé à la Renaissance … de leur village au début du XVème siècle !

 

De Jeanne d'Arc à l'assassinat de François Ferdinand d'Autriche

De Jeanne d'Arc à l'assassinat de François Ferdinand d'Autriche

Au moment donc où les paysans du village de Manteyer sont priés par le Seigneur Roland de participer à la construction du nouveau château féodal en déplaçant d'énormes blocs de pierre calcaire de la montagne de Ceüse, plus au Nord de la France, une jeune fille  Jeanne de Domrémy reçoit des révélations et part à la rencontre du roi de France pour le convaincre de l'envoyer à Orléans pour libérer la ville occupée par les Anglais. Après cette victoire, Jeanne d'Arc participe au sacre de Charles VII en la cathédrale de Reims en 1429. Finalement Jeanne sera capturée par les Bourguignons, vendue aux Anglais et périra sur le bucher le 30 mai 1431.

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Lesdiguières

François de Bonne, né le 1er avril 1543 à Saint-Bonnet-en-Champsaur et mort le 28 septembre 1626 à Valence, est un militaire français.
Seigneur puis duc de Lesdiguières (1611), comte de Pont-de-Veyle, seigneur du Glaizil, maréchal de France, il est également le dernier connétable de France entre 1622 et 1626.
Lorsque le soulèvement protestant éclate dans le Dauphiné, François de Bonne rejoint son cousin Antoine Rambaud, le premier des « capitaines Furmeyer », qui mène combat. Après la mort de son cousin, il est désigné comme chef des protestants du Champsaur en 1576, et livre de nombreux combats, dont la prise de Gap, ville catholique, et n'empêche en rien le massacre de ses habitants. C'est à ce moment qu'il se fait remarquer par le roi Henri III. Lorsqu'en 1584, Henri III désigne le roi de Navarre pour lui succéder, son autorité sur les Huguenots du Dauphiné est reconnue.
Le 8 Juillet 1587 il part de Serres pour se rendre à Manteyer, où il couche au château. Le 9 Juillet 1587, il part de Manteyer pour aller à Montorcier dans le Champsaur pour assister aux noces de Mademoiselle de Villette.
En 1594, il s'empare des terres de Vizille et y construit sa demeure qui deviendra l'actuel château de Vizille. Chef militaire hors pair, diplomate et négociateur habile, qualifié par Henri IV « de rusé comme un renard », le dernier connétable de France meurt à l'âge de 83 ans, le 28 septembre 1626.

 

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La Révolution

14 juillet 1789 : Prise de la Bastille par les Révolutionnaires.
S'en suit alors la chute du pouvoir monarchique et des années de troubles politiques et sociaux dans le pays ; A Manteyer aussi les édiles sont inquiets : La famille Pinet qui avait acquis des titres seigneuriaux en particulier à Manteyer (1783) écrit : « Les troubles survenus depuis deux ou trois jours dérangent entièrement nos projets. […] Nous sommes tous au désarroy. Ce qu'il y a de plus dangereux, c'est la mauvaise intention des paysans envers leurs seigneurs ».
Mais Pinet saura très vite rebondir et continuera à développer du négoce sur les marchés militaires…
Quant au Château, il sera marqué également dans sa "pierre" au passage de la Révolution : Des tours au fêt pointu furent transformées en toit plat, les fleurs de lys des grilles furent retournées et d'autres symboles de royauté furent estompées.
Il y eut également d'autres conséquences sur le plan administratif : Le décret de septembre 1792 donne naissance si l'on peut dire à l'état civil, enlevant aux prêtres le soin de tenir ce registre, ce dont ils s'occupaient depuis 1635, d'où un certain flottement dans les déclarations des nouveaux-nés, c'est ainsi que en 1793, le curé Pierre Brunet déclare : « année où l'on a commencé à tenir ce registre les dates ne se suivent pas, attendu que l'enregistrement s'est fait au fur et à mesure où les enfants se sont présentés pour la 1ère communion».

 

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Napoléon Bonaparte

1815 : les cent jours dans les Alpes
Napoléon, détenu à l'île d'Elbe, échappe à la surveillance anglaise le 26 février 1815, il s'embarque sur le Brick « l'inconstant », qui possède 26 canons, avec 400 hommes de sa garde – trois autres bateaux qui se trouvent dans le port sont saisis, équipés de 200 hommes, 100 chevaux légers polonais et d'un bataillon de troupe.
Le 28 février à 7 heures du matin, on découvre les côtes de Noli, au midi d'Antibes. A 3 heures, le 1er mars on entre dans Golfe Juan. A 5 heures, on établit un bivouac près de la mer jusqu'au lever de la lune. L'empereur prend la route de Grasse, Saint Vallier.
Il couche à Barème et fait halte à la Clappe. « Sur une chaise devant l'église, auprès d'un grand feu, l'aubergiste lui sert quelques œufs et une bouteille de vin de Chabrières ». Au moment de payer le repas, Napoléon se voit réclamer 20 francs « les œufs sont donc bien rares ici ! » s'écrit l'Empereur ; « Non, pas les œufs mais les Empereurs ! » réplique l'aubergiste.
Le 5 Mars, l'Empereur arrive à Gap avec 40 grenadiers et 10 hommes  à cheval.

Il fait appeler à trois reprises le conseil municipal, il est 11 heures du soir et l'on introduit le maire, Monsieur d'Abon – Napoléon lui demande « que pensez-vous de notre retour ? » et le maire lui répond « je crois, Monsieur qu'il est malheureux pour la France comme pour vous ».
Le 6 mars, départ de Napoléon après qu'il ai laissé l'étendard du régiment des chasseurs (soie verte avec cors de chasseur et semés d'abeilles d'or) conservé au musée de Gap. Il part sur son cheval blanc par la porte Lignolle et le Pont de Burle sous les acclamations de la population. Il traverse le Champsaur et atteint Laffrey en Isère où a lieu la rencontre avec les troupes royales fortes de 6000 hommes venus pour arrêter sa marche.
L'Empereur ayant mis pied à terre et son arme sous le bras s'écria « le premier soldat qui veut tuer son Empereur le peut », au cri unanime « de vive l'Empereur » la garde et les soldats s'embrassèrent. L'aigle vola alors de clocher en clocher jusqu'à la capitale.  Cette scène se déroula à Laffrey au lieu dit « la prairie de la rencontre ». Une statue commémore cet emplacement. 
L'empereur arrive à Paris le 20 mars. Avec son retour, les hostilités reprennent. Les conscrits et les rappelés doivent rejoindre leurs centres de mobilisation. En juin, c'est la campagne de Belgique. L'armée française s'est laissée envelopper par Welington et Blocher. Il y a eu un combat terrible et 60 000 Français sont restés sur le champ de bataille. La garde impériale a été passée au fil de l'épée. Le dimanche 18 juin, la bataille de Waterloo est perdue.

 

 

Les temps modernes

Les temps modernes

A la charnière entre le XIXème et le XXème siècle, le village de Manteyer va vivre à nouveau des bouleversements dans le sens où une transition de la vie du village va s'opérer avec la construction d'une nouvelle Eglise, d'un batiment communal qui abritera l'école communale et la Mairie et d'un nouveau cimetière ; Les « services et cérémonies » exercés dans les anciens ouvrages situés au hameau du Serre sont transférés dans les nouveaux lieux…

M.Georges de Manteyer à Gap en 1932 - Collection Louis Arthaud

Au cours du XXème siècle, comme partout en France, les hommes et les familles payèrent un lourd tribu en participant à la défense de notre patrie lors des deux guerres mondiales qui ont ponctué ce siècle.
Rendons hommage à ces héros !
Au château, c'est toujours la famille Pinet qui en est propriétaire et le 16 mai 1867 naquit à Gap Georges Pinet de Manteyer d'un père secrétaire général à la préfecture des Hautes-Alpes et d'une mère issue d'une famille marseillaise et bas-alpine. Après des études de droit à Grenoble, il prépare et entre avec brio à l'école des Chartes où il écrit une thèse sur « La Provence du Ier au XIIème siècle » puis fut envoyé à l'Ecole Française de Rome et voyagea en Europe. A son retour à Paris en 1914, la guerre éclate ; Saisi d'horreur devant cette abominable mélée et les jeunes hommes qui mourraient en foule sur le front, il participa à une tentative pour ramener la paix en influençant les princes de Bourbon, le gouvernement français et celui de l'Autriche-Hongrie. En vain !

A la sortie de cette guerre, il revint sur Manteyer et prit le poste d'archiviste départemental en 1921. Dès lors et jusqu'à sa mort le 24 janvier 1948 dans son château, il va travailler sur ses notes et gérer ses collections, qu'il donnera de son vivant ou par testament aux archives et bibliothèques de Gap et Grenoble…
La fin du XXème siècle et le début du XXIème verra Manteyer comme de nombreux villages de campagne se transformer rapidement sous les coups de boutoir des progrès techniques et scientifiques : eau courante, électricité, voitures personnelles, machines agricoles, électro-ménager, téléphone et dernièrement ordinateur personnel, internet, smartphone … Tous ces équipements nous sont devenus indispensables et nous n'imaginons pas vivre sans ces assistants matériels !
Mais gardons-nous de tout sentiment de supériorité, un minuscule coronavirus est venu nous rappeler où est notre place dans ce monde ; et tachons de prendre davantage soin de nous d'abord, de nos liens avec nos proches et de notre relation avec Dame Nature …
C'est ainsi que nous écrirons une nouvelle page heureuse de l'épopée de Manteyer …